dimanche 12 janvier 2014

Mémoire fort minable !

Morts. Ils ont été plus de 200,000 lors du 12 janvier 2010. De cette tragédie, peu de leçons ont été tirées. La principale artère du centre ville, la Grand’Rue est un tombeau ouvert. Sous les bâtiments branlants, petits commerçants et marchandises s’y agglutinent. Une autre preuve, qu’ici, notre mémoire est fort minable.

Photo by Gaspard Dorélien
Photographié sur la Grand'Rue en janvier 2014
Photo:Fotomatik Haiti/Gaspard Dorélien
Photo by Gaspard Dorélien
Photographié sur la Grand'Rue en janvier 2014
Photo:Fotomatik Haiti/Gaspard Dorélien

Photo by Gaspard Dorélien
Photographié sur la Grand'Rue en janvier 2014
Photo:Fotomatik Haiti/Gaspard Dorélien

C’est moins fréquenté qu’avant. Mais le soleil et la poussière, notamment, ne sont pas moins présents. L’application « Weather » du Smartphone marque 32 degrés. Une chaleur à vous cuire la cervelle. La Grande Rue est méconnaissable. Il ne reste que les squelettes de beaucoup de magasins qui ont fait la gloire de l’espace. 4 ans après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, la menace de l’effondrement des édifices bancals ne fait plus peur. Marchands et passants circulent comme si de rien n’était. Ici, l’oubli est pathologique.

Photo by Gaspard Dorélien
Photographié sur la Grand'Rue en janvier 2014
Photo:Fotomatik Haiti/Gaspard Dorélien


Côtoyer la mort

Pieux, plafonds et murs lézardés, les traces du passage du tremblement de terre du 12 janvier 2010 sont ici évidentes. Sous ce bâtiment qui jouxte l’ancien magasin « Maison Dupuy » sur la Grande Rue, Fritz, vendeur de répliques de montres et d’accessoires électroniques y prend place avec son étal. « Si je ne suis pas mort le 12 janvier, ce n’était pas mon jour. Si un tremblement de terre a à me surprendre ici et que j’y reste, je dirais que c’était mon destin ». C’est la logique de Fritz, exposé au danger imminent d’un effondrement de la bâtisse sous laquelle il gagne sa vie. Personne ne lui interdira de mettre sa vie en danger. Même pas l’État.

Photo by Gaspard Dorélien
Photographié sur la Grand'Rue en janvier 2014
Photo:Fotomatik Haiti/Gaspard Dorélien

L’État haïtien n’existe pas

Dans ce contexte, l’État n’existe pas. Le rôle de protecteur et de régulateur que devrait jouer les autorités haïtiennes ne trouve sa résonance qu’au niveau théorique. Déjà on a oublié qu’ici, la terre tremble. Et ne finit pas de trembler. A côté de la négligence impardonnable de ne pas raser ces édifices qui représentent un véritable danger de mort - même sans séisme - aucune instance étatique, la police ou la mairie… n’interdit aux gens de s’y abriter pour mener leur petit commerce. Les personnes qui, de leur côté, courent ce risque au quotidien affirment ne pas avoir le choix.

Photo by Gaspard Dorélien
Photographié sur la Grand'Rue en janvier 2014
Photo:Fotomatik Haiti/Gaspard Dorélien
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Photographié sur la Grand'Rue en janvier 2014
Photo:Fotomatik Haiti/Gaspard Dorélien


















« Dieu est grand »

Ils sont des centaines de pères et de mères de famille à se réfugier sous les galeries dans anciens magasins ébranlés, disloqués et abandonnés sur le Blvd Jean-Jacques Dessalines. Ils y vendent vêtements « made in Panama », manuels scolaires, sacs d’écoles, appareils électroniques « Made in China »… Quand vous leur demandez s’ils ne craignent pas pour leur vie, leur réponse est unanime « Dieu est grand et il veille sur nous ».

D’autres affirment pouvoir compter sur leurs jambes « je prendrai mes jambes à mon cou si un tremblement de terre venait à passer pendant que je suis la », explique un jeune homme d’une vingtaine d’années, son dos calé contre l’unique poteau, mais déboité, de la galerie d’un ancien magasin de tissus. Que Dieu nous en préserve, mais si un autre « goudougoudou » revenait aujourd’hui, on ne compterait pas moins de victimes qu’en 2010. Parce que « Dieu veille sur nous » ; parce qu’ils croient qu’ils seront plus rapides que le béton qui s’écroulera ; parce qu’« ils n’ont pas le choix », la vie sur la Grand’Rue est suspendue à un fil.    
 
Photo by Gaspard Dorélien
Photographié sur la Grand'Rue en janvier 2014
Photo:Fotomatik Haiti/Gaspard Dorélien

Mais tous n'appréhende pas la situation de la même façon. Emmania, la trentaine sonnante, marchande mobile de sous-vêtements, ne mâche pas ses mots pour fustiger le « comportement irresponsable » des autorités compétentes. « J’estime que l’État haïtien est irresponsable parce qu’il laisse ces bâtiments encore debout. La moindre petite secousse pourrait occasionner une catastrophe qui peut être évitée », crache-t-elle avec colère.

Photo by Gaspard Dorélien
Photographié sur la Grand'Rue en janvier 2014
Photo:Fotomatik Haiti/Gaspard Dorélien
Photo by Gaspard Dorélien
Photographié sur la Grand'Rue en janvier 2014
Photo:Fotomatik Haiti/Gaspard Dorélien




















Pourquoi l’État ne détruit pas les magasins et autres buildings croulants de la Grand’Rue, alors qu’ils menacent la vie de centaines de gens ? Problème d’argent explique un haut cadre de l’Unité deConstruction et de Logement et des Bâtiments Publics (UCLPB), organisme directement rattaché à la Primature. Selon ce dernier, l’abattage de ces immeubles était prévu. Étant repoussé à chaque fois, des fonds pour le faire viennent à manquer aujourd’hui. Mais comme pour rassurer, il lâche sans ambages, « ce sera fait, car le processus de reconstruction sera très long… pas avant 2030 ».



Photographié sur la Grand'Rue en janvier 2014
Photo:Fotomatik Haiti/Gaspard Dorélien
Photographié sur la Grand'Rue en janvier 2014
Photo:Fotomatik Haiti/Gaspard Dorélien




















En attendant, croiser les doigts ne suffira pas pour nous écarter du danger que représentent ces bâtiments flageolants.  Pour compter nos morts nos doigts n’ont pas suffit en 2010. Et ça, certains l’ont peut-être déjà oublié.

Gaspard Dorélien
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