dimanche 19 janvier 2014

« Jardin d'hiver » de Henri Salvador : la beauté en parole et en musique

Sa voix rauque et tendre précède la première note de la guitare sèche. « Je voudrais du soleil vert... ». Elle tombe comme une goutte d'eau sur un coeur aride, martelé par le soleil. Dans « Jardin d'hiver », la voix d'Henri Salvador semble avoir recréé la tendresse, la tranquillité, la paix de l'âme... Le rythme est d'une lenteur douce et enivrante. « Jardin d'hiver » est cette chanson aux paroles simples dans leur combinaison, qui produit de la beauté pure.



« Cette chanson me fascine. Le texte est imprégné d'une poésie enfantine. Contraste saisissant avec les quatre vingt années de Henri Salvador, une boule de joie, de légèreté, d'envie et de voracité à croquer la vie à pleine dent. C'est une pure merveille ! », avoue Roberson Alphonse, directeur de l'information à radio Magik 9 et rédacteur au quotidien Le Nouvelliste, qui a des goûts insoupçonnés pour de la bonne musique. Cet amant sournois de l'esthétique, dit de Henri, qu'il est « d'une simplicité enragée, d'une bonne humeur contagieuse ». Et il dit vrai. En plus d'être ce chansonnier de génie, Henri s'est exercé toute sa vie comme humoriste. Quand sur scène il combine sa musique et ses talents de comique, le public se l'arrache.
La mosaïque réussie

« Jardin d'hiver » est une mosaïque de vers, pour la plupart hétéroclites mais qui, réunis, forment cet ensemble traduisant cette envie de soleil, d'été, de relent tropical dans les orées d'un jardin d'hiver. Dans l'ombre de cet univers terne et de la monotonie du gris hivernal, il voudrait de la lumière. Cette chanson que Henri Salvador a coécrite avec Keren Ann, est un appel à un « changement d'atmosphère ». 
«Je voudrais du soleil vert Des dentelles et des théières Des photos de bord de mer Dans mon jardin d'hiver

Je voudrais de la lumière Comme en Nouvelle Angleterre Je veux changer d'atmosphère Dans mon jardin d'hiver. »

Le second paragraphe introduit une adresse à une femme. Sans transition avec la première. On pense être dans un autre registre dans le texte. Mais il retourne à la pluie. Au mois de novembre. A l'hiver, donc. Mais aucun rapport évident ne s'établit entre cette évocation et le reste de la strophe.
« Ta robe à fleur Sous la pluie de novembre Mes mains qui courent Je n'en peux plus de l'attendre Les années passent Qu'il est loin l'âge tendre Nul ne peut nous entendre.»  
La troisième strophe rejoint la logique de la première. Des besoins, une présence... pour changer son univers de temps froid. Mais il surprend et la termine en s'adressant à la femme à la robe à fleur.
« Je voudrais du Fred Astaire Revoir un Latécoère Je voudrais toujours te plaire Dans mon jardin d'hiver » Il parle encore à l'être qui porte la robe. Mais avant ce sont des actions ne se conformant pas avec l'hiver qu'il voudrait poser. « Je veux déjeuner par terre Comme au long des golfes clairs T'embrasser les yeux ouverts Dans mon jardin d'hiver » Fonction pleinement remplie
C'est une réussite musicale interprétée avec maestria par l'auteur de « une chanson douce ». De la beauté à l'état pur. Cet effet de la musique de réveiller cette sensibilité innocente en nous, ce désir de tendresse, cette force qui nous fait pousser des ailes, « Jardin d'hiver » a pleinement rempli cette fonction. 
« J'entretiens un rapport particulièrement affectif avec la musique de Henri Salvador, Une chanson douce, l'une de ses premières compositions, qui a bercé mon enfance, et j'en garde un souvenir effarant », révèle le rédacteur en chef du quotidien Le Nouvelliste, Frantz Duval qui fredonne, à coeur joie « Jardin d'hiver ». 
Cette pièce figure sur l'album « Chambre avec vue », lequel l'a remis sous les feux des projecteurs après de longues années de silence. Il est sorti le 17 octobre 2000. Quelques semaines plus tard, l'album obtient un disque d'or. A 83 ans, Henri se paie une nouvelle jeunesse. « Le succès critique est général et tout le monde reconnaît la beauté des chansons, des textes et de l'interprétation », rapporte la presse française. 

Henri Salvador se rapproche dans l'intonation, la mesure de la voix du grand jazzman américain Ray Charles. Avec ce dernier, il réalise un duo en 1996, lors de la cérémonie des Victoires de la Musique. Il avait alors 79 ans.  
Il est né le 18 juillet 1917 à Cayenne en Guyane française et meurt le 13 février 2008, après avoir tiré sa révérence à la scène avec son dernier album au titre évocateur de sa retraite : « révérence ». Il est parti, laissant derrière une oeuvre colossale avec des compositions que des coeurs jeunes et vieux s'approprient. Eternellement !


Discographie de Henri Salvador 1947 : Maladie d'amour 1955 : Henri Salvador chante ses derniers succès, Polydor 1956 : Henri Salvador alias Henry Cording and his original Rock and roll boys, Philips 1957 : Sous les tropiques, 1959 : Chanté par Henri Salvador, Barclay 1960 : Salvador s'amuse, Barclay 1962 : Succès, Philips/Salvador 1963 : Henri Salvador, Philips/Salvador 1964 : Zorro est arrivé, Rigolo 1965 : Le travail c'est la santé, Rigolo 1967 : Henri Salvador, Rigolo 1968 : Salvador, Rigolo 1969 : Henri Salvador, Rigolo 1972 : Le Petit poucet, Rigolo 1977 : Salvador 77, Rigolo 1978 : Henri Salvador, Rigolo 1979 : Salvador/Boris Vian, Rigolo 1980 : Salvador en fête, Rigolo 1985 : Henri, Pathé Marconi 1989 : Des goûts et des couleurs, Pathé Marconi 1994 : Monsieur Henri, Sony Music 2000 : Chambre avec vue, Virgin 2002 : Performance ! (Enregistrement public), EMI 2003 : Ma chère et tendre, EMI 2006 : Révérence, V2

Gaspard Dorélien
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